dimanche 3 mai 2009

Journal de Bord (1)



Ce qu'il y a de difficile dans un film, enfin dans le fait d'en réaliser un, c'est les millions de choses à accomplir pour que cela soit possible. Tellement de gens, de moyens à réunir... On peut avoir la tête qui tourne assez rapidement. Mais c'est un bon vertige, un vertige donne envie d'avancer. Reste à savoir par où commencer...

Et là chacun a son mot à dire, bien évidemment. En tant que directrice des acteurs, j'aurais tendance à dire « trouvons ceux qui habiteront nos personnages, et on sera déjà sur la bonne voie! », le décorateur me dira sûrement « oui, mais il faudra bien qu'ils évoluent dans un décor tes acteurs, il faudrait peut-être d'abord trouver où les mettre », cela va sans dire que le caméraman ne pourra pas faire grand chose sans une bonne caméra, suffisamment bonne en vérité pour que l'image convienne au réalisateur et le son nécessitera la même sorte d'exigence.


Cela dit, étant prêt, Laurent et moi, à porter plusieurs casquettes, nous sommes faces à un nœud très complexe et la tentation de tirer un peu chaque fil est grande, bien que la possibilité de l'emmêler encore plus soit bien plus grande!

Au-delà des prémices de ces luttes intestinales et parfois légèrement schizophrènes, la question de l'argent se pose irrémédiablement.

La gestionnaire que je suis (que j'essaie d'être) aurait tendance à rogner sur tout (lieux de tournage, matériels,...) sachant désespérément que les subventions se font rares et qu'elles ne seront pas forcément à la hauteur de nos espérances, si elles sont là, ne serait-ce que ça.

Reste la carte de l'amitié, le « réseau » comme je ne préférerais pas le nommer, puisqu'avec Laurent, nous avons tout de suite désiré une aventure humaine, et que nos intérêts ne peuvent pas en rencontrer d'autres, si ce n'est celui de l'amour du cinéma... Et la gloire sans précédent de figurer au générique!

Pour le moment, il s'agit donc pour nous d'établir nos priorités, vous l'aurez compris. Monter des dossiers pour financer ce court-métrage... Et réunir des gens qui croiront en ce projet.

Pour cela, nous allons devoir réécrire et approfondir notre scénario, de façon à ce qu'il convainc, qu'il montre que nous savons où nous voulons aller.

Et parce que nous voulons partager cette expérience et croire que vous serez séduits (en espérant qu'il ne s'agisse pas d'une resucée du mythe de Sisyphe), nous allons poster ici le résultat de notre travail.

Nous le ferons séquence par séquence, parce que rien ne se fait de nos jours sans une bonne maîtrise du suspense.

Et quoiqu'il arrive, nous restons cinématographiquement vôtre.




Vos deux auteurs menant une intense réflexion comme vous pouvez le constater.





dimanche 5 avril 2009

Esquisse au charbon


«Raconter mon histoire, c’est reconstituer un puzzle en noir et blanc dont les pièces seraient un alliage d'amputations affectives et d’espoir désagrégé…»



Loreleï*, jeune fille allemande, découvre l'univers de son père, qu'elle a rejoint en France depuis quelques semaines. Elle y éprouve dès les premiers instants l'impossibilité de trouver sa place auprès de lui.
Cet homme, qui s'est toujours très peu intéressé à elle, est un musicien célèbre, dont elle ne connaît que la musique sulfureuse et le personnage médiatique comme les quelques milliers de personnes qui l'adulent.



«Cela fait longtemps que je ne l'ai plus appelé papa...»


Alors que ce dernier se prépare à donner un concert très attendu et à mesure que la solitude l'enserre dans son étau de dédain et de trouble, Loreleï s'abîme dans une souffrance qu'elle avait jusqu'ici niée coûte que coûte.


«Je ne sais plus pourquoi je suis venue ici, ce que je pouvais bien y chercher, était-ce pour qu'il me jette en pleine figure son absence, son indifférence et que je puisse enfin apprendre à vivre comme une ombre?»


Anéantie, Loreleï se confie à demi-mots à une proche de son père mais celle-ci, comme tant d'autres, lui fera défaut...


«Avec lui, il n'y a pas de couleur, juste un noir brillant, un noir anthracite... Et aucun, aucun de ceux qui gravitent autour de lui - comme des moustiques affolés, autour d'une lumière trop forte - ne peuvent y échapper. A un moment ou à un autre, on prend la consistance du charbon.
Je suis en train de devenir friable, et terriblement lisse ; je cours dans le noir et je crie "Papa" en espérant qu'il me sauvera, parmi tous, de ce triste sort»








*Prénom non contractuel, nous sommes encore en recherche. :)



jeudi 2 avril 2009

Une rencontre


Il y a au départ cette vision fugace :

Alice qui ne saurait accomplir sa traversée, et une affiche de papier qui symboliserait ce miroir infranchissable.


Une jeune fille brisée, qui forme avec un mur sourd, le partie pris esthétique d'une douleur portée aux nues.

Il faut avoir 16 ou 20 ans pour vivre cette réalité-là, il faut ce regard-là, ce déchirement qu'elle prend à bras le corps, apposant ses lèvres sur la bouche lisse, glacée ; griffant de ses ongles l'affiche, comme si l'amour allait enfin en émerger.

Un lien ambigu qui anime une rage animale, un secret organique et dévastateur qui seront finalement avoués.






La force symbolique de l'adolescente, en détresse dans une situation cul-de-sac, permet d'envisager au premier degré un désespoir vertigineux, et d'illustrer d'une façon sensible et sensuelle, la fragmentation nerveuse et le délitement physique d'un être, l'effondrement d'une innocence et de toute force vitale, pour en dégager une lente reconquête de repères, légitime et salvatrice.

Dépeindre les premiers élans concrets, balbutiants, entre une apprentie-femme, volatile, et la figure de l'homme immobile, inanimé.

Et de cette histoire fantasmée, fictive, impossible à faire naître dans le présent, uniquement nourrie de ses impulsions, de ses attirances et ses résignations pourrait émerger un équilibre souverain entre désir d'absolu et réel.




Seulement pour cela, le chemin sera dur à parcourir, comme pour nous, acteurs de ce film à toutes échelles, suspendues dans le vide, sans équivoque, pour courser cette Alice épileptique au pays de ses illusions, le lapin blanc sera notre caméraman et nous serons tous à l'heure.


Et c'est ainsi que nous est venu l'envie de donner une autre existence au film, en prenant le parti qu'en dévoiler peu à peu les coulisses n'en éventerait pas le mystère et insufflerait au contraire le désir de voir et de faire du cinéma.

Nous avons également ressenti le besoin de donner une existence propre aux personnages, de leur permettre d'évoluer à leur guise dans cet espace si propice à l'auto-fiction.

De ce voyage, ensemble, d'emblée nous vous annonçons que la musique sera provocante et créera le vertige, que les images seront d'une poésie brute, et que le film s'apparentera à une tragédie rock'n'roll.